Les aliments ultra-transformés, à consommer avec « beaucoup » de modération !

Des études scientifiques ont montré une association entre la consommation accrue d’aliments ultra-transformés et le risque de développer des maladies chroniques ou des troubles du métabolisme. Une étude récente avance même une association avec un risque plus élevé de mortalité. Nous allons essayer d’y voir plus clair dans l’univers des aliments ultra-transformés qui envahissent les rayons de nos supermarchés.

Même si le lien de cause à effet reste à démontrer et que d’autres études doivent être menées pour confirmer ces résultats et mieux comprendre l’impact des aliments ultra-transformés sur notre santé, des études récentes montrent des associations entre la consommation d’aliments ultra-transformés et un risque plus élevé d’obésité, de diabète, de dérégulation du métabolisme des graisses, d’hypertension artérielle, de maladies cardio-vasculaires, de cancer et même un risque plus élevé de mortalité. En effet, des éléments de plus en plus nombreux viennent conforter le fait que ce type d’aliment n’est pas bon pour notre santé.
Mais qu’est-ce qu’un aliment ultra-transformé ? Pour le savoir, il faut tout d’abord se pencher sur la classification des aliments selon leur degré de transformation: la classification NOVA.

Le point sur une nouvelle classification des aliments: la classification NOVA

C’est une notion récente développée par une équipe de chercheurs Brésiliens dirigée par le Professeur Carlos Monteiro, qui en 2009, a lancé le débat sur la pertinence de prendre en considération le niveau de transformation des aliments et son impact sur la santé. Ils ont donc travaillé sur une classification des aliments novatrice et après plusieurs versions, ils ont proposé la nouvelle classification des aliments basée sur leur degré de transformation : la classification NOVA (« nouveau » en brésilien). Reconnue par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture), cette classification sert de base à de nombreuses études scientifiques sur l’alimentation et la santé.
Cette classification répartit les aliments en 4 groupes :

  • Les aliments peu ou pas transformés,
  • Les ingrédients culinaires,
  • Les aliments transformés,
  • Les aliments ultra-transformés.

Penchons-nous maintenant sur les aliments ultra-transformés : comment les reconnaître ?

Ce sont les aliments du groupe 4 dans la classification NOVA.
Anthony Fardet chercheur en alimentation préventive et holistique au sein de l’Unité de Nutrition Humaine à l’INRA de Clermont-Ferrand a été le premier en France à communiquer sur ce concept grâce à ses travaux de recherche, à ses interventions auprès des institutions, à sa participation à des émissions grand public, et à son livre « Halte aux Aliments Ultra-Transformés ! Mangeons Vrai. ».

Voici les principales caractéristiques des aliments ultra-transformés :

  • Leurs formulations et leurs procédés de fabrication sont industriels et n’ont souvent pas d’équivalent domestique.
  • Ils sont fabriqués à partir de nombreux ingrédients, en général plus de 5.
  • Certains de ces ingrédients sont issus du « cracking », une technique qui consiste à « casser » ou « décomposer » un aliment de base en différentes fractions à l’aide de traitements et procédés chimiques ou physiques. Par exemple, le lait, l’oeuf, la pomme de terre, le maïs, le blé sont souvent « crackés » en différents sous-produits qui seront ensuite utilisés comme ingrédient ou transformés à nouveau et recombinés pour reconstituer un aliment.

Ces ingrédients particuliers ne font pas partie traditionnellement de nos préparations culinaires domestiques : on ne les trouve d’ailleurs pas dans les magasins pour consommer tel quel ou pour cuisiner à la maison. Parmi ces ingrédients particuliers, on peut citer : la caséine, le lactose, le lactosérum, le gluten, les protéines hydrolysées, les huiles hydrogénées, les maltodextines, l’amidon, les amidons modifiés, les sirops de glucose, de glucose-fructose, …

  • Ils contiennent des additifs souvent nombreux servant à masquer des défauts ou à améliorer les propriétés de l’aliment. Certains de ces additifs sont qualifiés de « cosmétiques ». Ce sont des additifs pour redonner couleur, goût et texture, comme les colorants, les arômes, les exhausteurs de goût, les édulcorants, les épaissisants, les émulsifiants, … Bref des additifs pour « maquiller » un aliment alors qu’un vrai aliment n’a pas besoin de « maquillage » !
Exemple d’étiquette d’un café dosette cappuccino
En rouge: les marqueurs d’ultra-transformation
  • Ils ne sont pas toujours de bonne qualité nutritionnelle: ils sont souvent gras, salés et sucrés et dense en énergie. Par contre, ils sont généralement pauvres en composés protecteurs comme les fibres, les vitamines et les minéraux. On parle de « calories vides ». Mais attention, certains aliments ultra-transformés peuvent cacher leur jeu : certains peuvent être « équilibrés », « bio », « végétarien » et même avoir une bonne note au Nutri-Score tout en étant composés d’ingrédients issus du cracking et d’additifs cosmétiques !
  • Ils sont généralement agréables en goût, addictifs et peu rassasiants, entrainant une consommation régulière de portions importantes.
  • Ils ont des emballages très attractifs: accrocheurs et colorés (les enfants sont une de leur cible privilégiée), souvent avec des allégations valorisantes comme « enrichi en vitamines », « source de magnésium », « contribue à réduire le taux de cholestérol », …
  • Ils sont pratiques à l’emploi: prêts à consommer, à cuire, faciles à utiliser et à conserver, …

Bref : « plus la liste des ingrédients est longue et plus on ne connaît pas les noms de ces ingrédients, plus on risque d’être en présence d’un aliment ultra-transformé ».
Finalement, ils ne sont pas difficiles à repérer, surtout par rapport au groupe des produits peu ou pas transformés (NOVA 1) !
On voit bien aussi que les aliments ultra-transformés ne se réduisent pas aux seuls aliments bien connus de la malbouffe comme les sodas et les burgers. En fait, ils englobent les produits industriels que nous connaissons tous et qui représentent la grande majorité de l’offre en supermarché.

Comme les plats préparés, les produits à base de viandes reconstituées, les tartes, les pizzas, les soupes, les sauces, les snacks salés ou sucrés,
les céréales du petit-déjeuner, les margarines et pâtes à tartiner, les gâteaux, pains et viennoiseries emballés, les barres chocolatées, les desserts préparés, les boissons sucrées, …

Cependant pas d’amalgame ! Tous les aliments industriels ne sont pas des aliments ultra-transformés. Tout dépend de leur degré de transformation et de leurs ingrédients !

Par exemple: un plat cuisiné industriel composé d’ingrédients issus de produits bruts, non fractionnés, non reconstitués ou modifiés, sans additifs cosmétiques, bref un plat cuisiné fait de viande, de légumes, d’épices, d’aromates, d’assaisonnement, est un produit transformé (NOVA 3), par contre s’il contient des composants typiques de l’ultra-transformation comme des protéines, de l’amidon, du sirop de glucose, des colorants, des épaississants, des émulsifiants, … c’est un produit ultra-tranformé (NOVA 4).

On se rend compte aussi qu’il peut exister différents niveaux d’ultra-transformation: certains aliments ultra-transformés ont plus d’ingrédients marqueurs d’ultra-transformation que d’autres. Pas si simple du coup !
Pour vous aider: le site et l’application openfoodfacts, une base de données collaborative de produits alimentaires, donne la liste des ingrédients de milliers de produits ainsi que leur Nutri-Score et leur classification NOVA.

Tout pour nous séduire, alors pourquoi les aliments ultra-transformés sont-ils mauvais pour la santé ?

Les produits ultra-transformés sont nés de l’industrialisation, de la mondialisation, de l’urbanisation, du changement de nos modes de vie: travail, famille, loisirs, … Ils contribuent au dépannage, à la praticité, au plaisir, on apprécie ! Il ne faut pas renier les progrès technologiques nous offrant des produits alimentaires divers et variés. Mais comme je le dis souvent: remettons le curseur à la bonne place et prenons conscience de l’impact négatif que peuvent avoir les aliments ultra-transformés sur notre santé.

Les raisons possibles des effets néfastes des aliments ultra-transformés sur notre santé :

  • une mauvaise qualité nutritionnelle : de nombreux aliments ultra-transformés sont riches en calories, en gras, en sucre, en sel et pauvres en fibres, en protéines, en vitamines, en minéraux, en antioxydants,
  • des ingrédients fractionnés et recombinés pouvant être difficiles à intégrer dans le métabolisme de notre organisme,
  • la perte de l’effet « matrice ». En effet, avec les aliments ultra-transformés, nous consommons une somme de nutriments ou d’éléments fractionnés et non plus un tout uni et lié naturellement. Cela pourrait avoir des effets négatifs comme des pertes nutritionnelles et des problèmes d’assimilation par notre organisme,

C’est pourquoi je prône de revenir à une approche plus holistique (globale) … ça veut dire considérer que le potentiel santé de l’aliment pris dans sa globalité est plus important que la somme du potentiel santé des nutriments que l’on prend isolément.
Citation d’Anthony Fardet – Vidéo « Tranché par l’Obs »

  • des additifs parfois controversés et leurs effets cocktails quand ils sont réunis dans un même aliment ou dans plusieurs aliments ingérés régulièrement. Même si tous les additifs ne sont pas dangereux, on peut s’interroger sur leur utilisation excessive dans ce type d’aliment et sur l’effet accumulation et association dans notre organisme.
  • la dérégulation de l’appétit, une consommation plus importante de calories riches en graisses et en sucres pouvant entraîner une prise de masse grasse, des troubles métaboliques et des maladies chroniques,
  • la présence possible de composés potentiellement néfastes produits lors des procédés de transformation ou de contaminants migrants de certains emballages utilisés pour ce type de produits,
  • sans parler de l’impact sur l’environnement lié aux pratiques de production, à l’empreinte carbone, aux déchets d’emballages, …

Bonne nouvelle : la plupart des études montrent aussi que les effets néfastes des aliments ultra-transformés sont réversibles : une diminution de leur consommation permet de retrouver des marqueurs d’une meilleure santé : poids, graisses, …

Pour finir : quelles sont les recommandations ?

Les aliments ultra-transformés ne devraient pas représenter plus de 15 % de notre apport calorique journalier d’après Anthony Fardet.
Donc : à consommer occasionnellement et ne pas en faire la base de notre alimentation, comme cela est déjà le cas dans certains pays.
Actuellement en France, les aliments ultra-transformés représentent près de 36 % des apports énergétiques pour un adulte. Dans les pays anglo-saxons (comme le Canada, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni), cela peut atteindre plus de 50 % ! (Etude NutriNet-Santé sur la part des aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire des français – 2018).

Par exemple: mieux vaut consommer un fruit entier qui contient naturellement des fibres, des antioxydants, des vitamines et des minéraux, plutôt qu’un aliment ultra-transformé formulé avec « ajout de fibres » et « enrichi en vitamines et minéraux ».

En résumé :

  • Favoriser les aliments pas ou peu transformés (NOVA 1)
  • Utiliser les ingrédients culinaires de manière raisonnable (NOVA 2)
  • Consommer des aliments transformés avec modération (NOVA 3)
  • Eviter les aliments ultra-transformés qui doivent être l’exception et le dépannage ou le petit plaisir occasionnel (NOVA 4)
  • Diversifier son alimentation, cuisiner, suivre les saisons, manger local et … lire les étiquettes !

Pour conclure, la composition nutritionnelle d’un aliment est certes un élément à prendre en compte (lipides, glucides, protides, vitamines, minéraux, …) mais l’aliment est un tout et son degré de transformation apporte une dimension complémentaire et pertinente sur son potentiel santé.
Cela peut paraître compliqué, mais avec un peu d’habitude et de connaissances, on se repère vite et on arrive facilement à prendre en compte les 2 aspects : « nutritionnel » et « degré de transformation », dans nos choix de consommation !

Nous poursuivrons ces réflexions dans un prochain article, notamment sur les utilisations en tant que consommateur du Nutri-Score (aspect nutritionnel des produits), de la classification NOVA (degré de transformation des produits), des différents logos et applications smartphone, ainsi que sur leurs limites.

Sources :

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2 réponses

  1. 16 février 2021

    […] Une chose est sûre: certains de ces produits profitent de la mode des substituts de la viande et du lait. Produits très marketés et souvent ultra-transformés, on est souvent loin du fruit ou du légume brut! Pour imiter l’aspect et la texture des produits d’origine animale, les industriels emploient des additifs (gélifiants, épaississants, colorants, arômes, …) et des ingrédients issus du cracking comme des protéines, des farines ou des fibres isolées de leur matrice. Lire « les aliments ultra-transformés, à consommer avec beaucoup de modération! ». […]

  2. 24 janvier 2023

    […] La non prise en compte du degré d’ultra-transformation du produit reste encore un point critique car on peut voir des produits avec un Nutri-Score favorable tout en étant bourrés d’additifs et d’ingrédients issus de l’ultra-transformation, produits à consommer avec beaucoup de modération comme nous l’avons vu dans l’article consacré aux aliments ultra-transformés. […]

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