La saveur sucrée: une douceur qui fait l’unanimité!

La saveur sucrée, on l’aime tous! Certains plus que d’autres.
Des 5 saveurs, c’est celle qui plaît particulièrement et cela dès le plus jeune âge. Les fabricants de produits alimentaires l’ont bien compris!
Les sucres sont partout: naturellement présents ou ajoutés, ils nous procurent du plaisir lors de la dégustation mais, à forte dose, ils peuvent avoir des effets néfastes pour notre santé.

Si cette saveur était désagréable et moins consensuelle, ce serait plus facile de s’en détacher!
Alors, comment fonctionne cette douceur qui fait l’unanimité?
Saveur complexe faisant l’objet de nombreuses études, voici quelques curiosités (non exhaustives) sur la saveur sucrée.

Parmi les 5 saveurs, le sucré est souvent notre goût préféré. Pourquoi?
Question de survie: le sens du goût a permis à l’Homme d’évaluer le contenu nutritif des aliments. Les produits riches en glucides et en sucres simples représentent un apport d’énergie important et nécessaire aux besoins de l’organisme.

Les anthropologues expliquent cette attirance innée pour les sucres par la nécessité du corps humain de reconnaître les aliments riches en énergie pour assurer sa survie. Cette attirance naturelle pour le sucré n’est donc pas étonnante. En détectant des molécules sucrées, notre cerveau va faire le lien avec la présence d’aliments riches en énergie et leur associer des sensations positives.
D’ailleurs, les récepteurs gustatifs sont fonctionnels à partir du troisième trimestre de la grossesse. Dès cette période, il est possible pour le bébé de différencier les différents goûts.

Des études ont montré une préférence innée pour la saveur sucrée dès le plus jeune âge: on a constaté que le fœtus avalait plus de liquide amniotique lorsque celui-ci était sucré (suite à la consommation d’une solution sucrée par la mère) et que les nourrissons faisaient des mimiques de plaisir lorsque des produits sucrés sont déposés sur leur langue. A noter que le lait maternel est un des plus riches en glucides (75g/l en moyenne) et en lactose (le sucre du lait, avec 63g/l en moyenne).

Notre système gustatif est très complexe: plusieurs détecteurs spécialisés dans les 5 saveurs sont présents sur notre langue à la surface des bourgeons du goût (voir article: Le bon goût: une histoire de papilles!).
Pour la saveur sucrée, c’est le récepteur T1R2/T1R3, qui intervient. Un nom abstrait pour désigner un mécanisme du type clé/serrure: quand les molécules sucrantes entrent en contact avec le détecteur, ce dernier envoie une information nerveuse jusqu’au cerveau qui pourra traiter la sensation perçue et identifier la saveur sucrée.

Dans les aliments, différentes molécules peuvent exciter ce détecteur. Le plus souvent, elles sont de nature glucidique, comme l’amidon (un glucide complexe présent dans les céréales, leurs dérivés, les légumineuses, les tubercules, …) ou les glucides simples (appelés communément les sucres, comme le saccharose nom scientifique pour le sucre de table, le fructose ou le glucose).

Mais d’autres molécules ont aussi la capacité d’activer le mécanisme T1R2/T1R3 pour nous faire ressentir le goût sucré. Parmi elles, on trouve:

  • les polyols comme le xylitol ou le sorbitol.
    Ils ont un pouvoir sucrant proche de celui du sucre, sont peu caloriques et non cariogènes. On les trouve par exemple dans nos chewing-gums où ils apportent en plus un petit côté fraîcheur.
  • les édulcorants intenses comme l’aspartame, l’acésulfame K, la saccharine, le sucralose, les stéviosides (issus de la stévia), utilisés comme substituts du sucre dans les boissons, les desserts et autres préparations allégées en sucres. Ils ont un fort pouvoir sucrant (plusieurs centaines de fois supérieur à celui du sucre) et ont l’avantage de ne pas être caloriques, d’où leur utilisation pour remplacer le sucre. D’origine naturelle ou issus d’une synthèse chimique, ils possèdent souvent des arrière-goûts qui s’associent au goût sucré: par exemple l’amertume, le goût de réglisse ou encore des perceptions indéfinissables.
  • Certains acides aminés comme la glycine (présente dans la viande, le poisson et de nombreux végétaux) peuvent également générer un goût sucré.

Depuis le début des années 1990, des récepteurs du goût ont été mis en évidence au niveau de certaines cellules de l’intestin. Plus récemment, des chercheurs ont démontré que des cellules particulières de l’intestin (appelées neuropodes) pouvaient différencier les sucres des édulcorants intenses en envoyant un signal différent à notre cerveau en fonction de la substance sucrée détectée, permettant ainsi de guider notre préférence vers le sucre.

Notre cerveau ne serait donc pas dupé par les «faux sucres» qui ont la saveur sucrée mais sont dépourvus de calories. C’est là toute la différence: le goût sucré ne veut pas dire «énergie» à tous les coups!
Cette distinction ne se fait pas au niveau de la langue où le récepteur T1R2/T1R3 réagit indifféremment au stimulus des sucres et des édulcorants mais au niveau des cellules neuropodes de l’intestin. Elles informent notre cerveau à l’aide de différents neurotransmetteurs selon qu’elles détectent du glucose (unité de base des sucres après digestion) ou des édulcorants intenses. Grâce à l’intestin, le cerveau est ainsi capable de faire la différence entre «saveur sucrée avec calories» et «saveur sucrée sans calories». On comprend donc que les édulcorants intenses, même s’ils peuvent satisfaire notre envie de sucré en bouche, ne trompent pas notre cerveau quant à l’apport en calories: l’équilibre «sucres/énergie» sera rompu et le cerveau va chercher à le rétablir!

Sacrée information! Cela pourrait expliquer pourquoi on ne perd pas forcément du poids en remplaçant les sucres par des édulcorants intenses et surtout pourquoi on aurait même tendance à manger plus dans la journée ou à consommer plus de sucres quand on en rencontre.
Cela pourrait aussi expliquer notre préférence pour le sucre: double récompense accordée par notre cerveau (libération d’hormones telle que la dopamine) grâce aux signaux envoyés par la bouche et par l’intestin!

On estime que 90% des personnes sont capables de détecter la saveur sucrée à partir d’une concentration moyenne de 3,5 grammes de sucre par litre d’eau. La variabilité est grande d’un individu à l’autre. Certains auront besoin d’une concentration en sucre plus importante que d’autres pour ressentir effectivement la saveur sucrée et inversement d’autres auront une meilleure sensibilité et ressentiront la saveur sucrée à des taux beaucoup plus faibles.
Cette variabilité d’un individu à l’autre s’exprime, par exemple, quand certaines personnes trouvent un dessert très sucré, alors que pour d’autres, il est peu sucré.

Seuil de détection: valeur minimale du stimulus (ici la concentration en sucre) nécessaire pour éveiller une sensation. A ce seuil, on ne reconnaît pas forcément la saveur sucrée en tant que telle mais on détecte une différence gustative par rapport à l’eau seule. Il indique le niveau de sensibilité de notre système gustatif pour détecter la présence d’une saveur.

Les capacités de notre système gustatif à la naissance et son évolution naturelle (avec l’âge, avec nos habitudes alimentaires ou notre environnement) sont autant de facteurs qui peuvent expliquer cette variabilité.

Pour la saveur sucrée, l’âge est un des facteurs importants dans cette différence de sensibilité entre individus. Une étude scientifique récente montre que les enfants et les adolescents ont un seuil de détection de la saveur sucrée plus haut que les adultes: c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’une concentration plus élevée en sucre pour ressentir la saveur sucrée. Les enfants auraient besoin d’une solution 50% plus concentrée en sucre que les adultes pour faire la différence avec de l’eau. Pour les adolescents, le seuil de détection nécessiterait une solution 16% plus concentrée que celle des adultes.

Et la différence ne s’arrête pas là: quand on s’intéresse aux préférences, les enfants et les ados préfèrent des produits 50% plus sucrés que les adultes.
La préférence des jeunes pour des produits plus sucrés viendrait-elle du fait, qu’étant moins sensibles à la saveur sucrée, ils ont besoin de plus de sucre pour le ressentir et donc l’apprécier?
On observe la même chose chez des personnes âgées: la sensibilité au sucre à tendance à diminuer et la préférence va vers des produits plus sucrés. Ne dit-on pas qu’en vieillissant on retombe en enfance?

Cette association entre «faible sensibilité au sucre et préférence pour des produits plus sucrés» n’est encore qu’une hypothèse car d’autres éléments évoluant avec la croissance et la sénescence entrent en jeu.
L’anatomie de la bouche, la composition de la salive, les besoins en sucres de l’organisme et ses fonctions de régulation, l’activité du système de récompense du cerveau ainsi que les facteurs environnementaux très importants pour ce type de stimulus (présence de sucres dans la plupart des produits industriels ultra transformés, publicité, fast-food, convivialité et situations de consommation, …), pourraient aussi expliquer cette préférence pour des produits plus sucrés lors de l’enfance, de l’adolescence et de la vieillesse.

La couleur peut changer notre perception de la saveur sucrée.
On a fait goûter des solutions de sucre de même concentration mais avec des couleurs différentes à un jury de personnes, résultat: certaines couleurs intensifient la perception de la saveur sucrée.
Le rose et le violet seraient les couleurs qui nous feraient penser que le produit est plus sucré qu’il ne l’est en réalité. La couleur « rose bonbon » aurait donc une explication scientifique.
On pourrait ainsi envisager de diminuer la quantité de sucres dans certains produits en utilisant différentes nuances (naturelles!) de rose ou de violet sans que cela n’affecte la perception du goût.

La saveur sucrée n’apporte pas seulement le goût du sucre. Les aliments à la saveur sucrée sont synonymes d’apports en calories, d’apports en glucose ou en fructose, entrainant des mécanismes complexes pour réguler notre métabolisme. Mais c’est aussi une saveur plaisir que l’on associe à des moments agréables ou réconfortants. D’où sa tendance à la rendre addictive.

Article à suivre: le 2ème épisode de la série avec la saveur salée.
Article précédent: Le bon goût: une histoire de papilles!

  1. Perception du goût sucré: Science et vérité, N°106 Août 2020
  2. La chimie du goût – Loïc Briand: https://culturesciences.chimie.ens.fr/thematiques/chimie-du-vivant/la-chimie-du-gout
  3. Relationship between Sucrose Taste Detection Thresholds and Preferences in Children, Adolescents, and Adults – Nutrients – https://doi.org/10.3390/nu12071918 – Authors: Sara Petty,Clara Salame, Julie A. Mennella, Marta Yanina Pepino
  4. Site internet Cultures Sucre : https://cultures-sucre.com
  5. Les édulcorants artificiels incitent-ils à manger plus? Site internet Sciences et Avenir par Lise Loumé
  6. The preference for sugar over sweetener depends on a gut sensor cell – https://doi.org/10.1038/s41593-021-00982-7
  7. Les faux sucres trompent-ils notre cerveau? – https://www.experimentarium.fr/les-chercheurs/les-faux-sucres-trompent-ils-notre-cerveau
  8. Pourquoi les édulcorants ont-ils un goût sucré? par N.K. – https://www.science-et-vie.com/article-magazine/pourquoi-les-edulcorants-ont-ils-un-gout-sucre
  9. Les cellules neuropodes différencient sucres et édulcorants et guident notre préférence pour le sucre – https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/nutrition-cellules-neuropodes-differencient-sucres-edulcorants-guident-notre-preference-sucre-9… – Par Julien Hernandez
  10. The influence of color on taste perception – National Journal of Physiology, Pharmacy and Pharmacology – 2023 Vol 13 Issue 09

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4 réponses

  1. Anonyme dit :

    Je crois que j’ai la même addiction à vos articles qu’au sucre !

  2. Martine B dit :

    Article très instructif. Pourriez-vous nous parler cholesterol, artheromes et tension s’il vous plaît ? Merci

    • Florence Remontet dit :

      Merci pour votre intérêt et pour vos suggestions de sujets à aborder.
      Je termine la série sur les saveurs et je me pencherai sur des thèmes en lien avec le cholestérol.
      A bientôt…

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