La diète méditerranéenne: un art de vivre et de manger

En Méditerranée, on mange et on vit méditerranéen! Cela semble évident même si de nos jours, les habitudes alimentaires ont quelque peu changé. Toujours est-il que l’alimentation et le mode de vie des populations du bassin méditerranéen ont depuis longtemps fait l’objet d’études scientifiques et le constat est simple: le régime méditerranéen est reconnu pour ses bénéfices sur la santé et sur la longévité. A tel point que l’on voudrait inciter le monde entier à adopter «la diète méditerranéenne»!

Inspirée du régime des habitants de la Crête et de l’Italie du Sud dans les années 1950-1960, la diète méditerranéenne est devenue peu à peu un modèle alimentaire codifié par les nutritionnistes. On assiste ainsi à un véritable phénomène de société: les pays non-méditerranéens s’en inspirant de plus en plus pour modifier leurs habitudes alimentaires et leur façon de vivre, pendant que, paradoxalement, les méditerranéens s’en éloignent et ne mangent plus vraiment méditerranéen. Une évolution qui mérite notre attention: que veut dire suivre la «diète méditerranéenne» aujourd’hui? Peut-on vivre et manger à la méditerranéenne ailleurs qu’en Méditerranée?

Les origines: les 3 piliers de la diète méditerranéenne

Le modèle de la diète méditerranéenne tel que nous le connaissons aujourd’hui s’est construit au fil du temps. Il tire ses origines dans la Grèce Antique où de nombreux vestiges témoignent de l’intérêt du peuple grec pour l’alimentation et l’organisation de la société autour des repas et cela malgré une terre aride peu propice à l’abondance. Dépositaires eux-mêmes de coutumes venant du Moyen-Orient, les Grecs ont développé un art de vivre et de manger où le plaisir du corps rejoint celui de l’esprit loin des excès de la gourmandise.

Puis, au gré des conquêtes, des migrations et des découvertes, bref des échanges facilités par la mer, les différentes civilisations du bassin méditerranéen ont peu à peu développé des habitudes alimentaires liées à un style de vie particulier. Le brassage des populations et les nouvelles techniques de production et de transformation n’ont cessé de remodeler le style alimentaire méditerranéen. Chaque peuple enrichissant ses coutumes pour construire sa propre identité autour de la Méditerranée et faire de l’alimentation méditerranéenne un socle commun à toutes ces populations riches de variantes géographiques, culturelles et sociales. Car il n’existe pas «une» mais «des» diètes méditerranéennes:  il suffit de regarder l’alimentation du Sud et du Nord de la Méditerranée pour constater des pratiques différentes.

Cette pluralité a pu s’exprimer autour d’une base commune, fondatrice de la diète méditerranéenne telle que la connaissaient les Grecs et les Romains:
les céréales de différents types (blé dur, orge, riz,…), sous différentes formes (pains, semoules, bouillies, pâtes,…) et le plus souvent complètes,
les produits de l’olivier (olives et huile d’olive),
– les produits de la vigne (raisin et vin le plus souvent rouge et traditionnellement coupé d’eau). La consommation de boissons alcoolisées ayant évolué chez certaines populations méditerranéennes en fonction des traditions sociales et des croyances.
A ces 3 piliers fondamentaux s’ajoutent: les fruits frais et secs, les légumes, les légumineuses (fèves, pois chiches, lentilles), les herbes et condiments, un peu de produits laitiers fermentés à base de lait de chèvre ou de brebis (yaourts, fromages), du poisson, peu de viande et peu de sucre. Le tout avec un mode de vie alliant frugalité, partage et convivialité.

A l’origine, le terme «diète méditerranéenne» n’existe pas. Les méditerranéens vivent simplement en lien avec leur territoire et ses ressources, ils développent des savoir-faire mêlant traditions et innovations, ils mènent leurs activités souvent liées à l’agriculture et à la pêche et consomment les produits de leur terre et de leur mer.

L’ouverture des voies commerciales a permis d’enrichir leur quotidien avec des produits venus d’Asie ou d’Amérique, comme l’aubergine (originaire d’Inde), la tomate, la courgette ou le poivron (originaires d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud) et qui sont depuis devenus des symboles de la cuisine méditerranéenne. Bref, les méditerranéens ont fait ce que tout peuple a fait au fil de son histoire: vivre en lien avec son environnement… à la différence près que, dans les années 1950, ce style alimentaire et cette façon de vivre vont être portés au grand jour par un scientifique américain.

La naissance d’un concept

Le concept de «diète méditerranéenne» a été «inventé» ou plutôt «découvert» dans les années 1950-1960 par Ancel Keys, un physiologue américain qui avait remarqué que les populations méditerranéennes (Grèce et Italie, essentiellement) n’avaient pas de problèmes de maladies cardiovasculaires et vivaient plus longtemps. Ci-contre, la couverture de son best-seller.
La région du Cilento au Sud de Naples a été la base des études d’Ancel Keys, frappé par la bonne santé des villageois, pourtant pauvres, et par le nombre de centenaires présents sur ce territoire.
Ses études et bien d’autres par la suite démontreront scientifiquement les bénéfices pour la santé de la diète méditerranéenne, terme qui ne sera utilisé que plus tard, non pas au sens de «restriction» comme on pourrait l’entendre, mais plutôt au sens étymologique «diaita» en grec qui veut dire «art de vivre, style de vie». Le concept était né et une quantité abondante d’articles et de recherches scientifiques sur le sujet n’a cessé depuis de nourrir les vertus de la diète méditerranéenne. Reconnus au niveau international, ses bienfaits vont être largement diffusés et médiatisés.
Tellement que le lien étroit entre diète méditerranéenne et santé est maintenant bien présent dans l’esprit de la majorité des consommateurs.

La diète méditerranéenne: un modèle alimentaire inscrit au patrimoine de l’UNESCO

Depuis Ancel Keys et les années 1960, on ne compte plus le nombre d’études, de colloques, de fondations, de comités et de centres de recherche ayant pour objet la diète méditerranéenne. Objectif: définir, défendre et modéliser le concept. Plusieurs définitions seront avancées dont voici 2 extraits complémentaires:

C’est ce que les autochtones mangent dans la région méditerranéenne.
J’ai remarqué que le régime végétarien est au cœur de ce que l’on appelle la diète méditerranéenne: pâtes sous toutes leurs formes, salades assaisonnées d’huile d’olive, nombreuses sortes de légumes et fromage, le tout couronné de fruits et souvent arrosé de vin. Ancel Keys-1995

L’espérance de vie des adultes de ces régions était l’une des plus élevées dans le monde, et les taux de maladies coronariennes et de certains cancers ainsi que d’autres affections chroniques liées au régime alimentaire étaient parmi les plus bas du monde au début des années 1960, malgré les maigres moyens des services de santé existants. Willet et al-1995

En 2010, la diète méditerranéenne est entrée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité permettant ainsi la sauvegarde d’un ensemble de savoir-faire et de traditions autour de l’alimentation. Chypre, la Croatie, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, le Maroc et le Portugal sont les 7 pays inscrits par l’UNESCO.

Curiosités:
– Le Portugal fait partie de l’inscription au patrimoine de l’UNESCO alors qu’il n’a pas de littoral méditerranéen et qu’il n’appartient pas géographiquement au bassin. Le rapport profondément méditerranéen qu’il entretient avec son territoire le classe pourtant parmi les pays méditerranéens.
– La France n’a pas participé au projet. Bien qu’ayant des régions sur le bassin méditerranéen riches en coutumes, la France dans son ensemble pratique peu une alimentation méditerranéenne. Elle a préféré inscrire la même année au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO sa propre identité culinaire: Le Repas Gastronomique des Français.

La pyramide de la diète méditerranéenne

Une représentation visuelle sous forme de pyramide illustre bien la diète méditerranéenne (ci-dessous la pyramide actualisée en 2010). En plus des aliments, d’autres éléments entrent en considération, signe que la diète méditerranéenne est plus qu’un mode alimentaire, c’est aussi un style de vie:
La frugalité (matérialisée par les portions) et l’activité physique. Les populations méditerranéennes des années 1960 n’avaient pas forcément de grande quantité de nourriture à leur disposition et avaient un mode de vie moins sédentaire que le nôtre.
La convivialité.
Les produits locaux, de saison, peu transformés et les activités culinaires.

Les notions de durabilité et de biodiversité occupent aussi une place importante. Les ancêtres de la diète méditerranéenne savaient vivre avec la nature et aujourd’hui on doit réapprendre à respecter ses ressources. Il suffit de regarder la pyramide pour se rendre compte que les aliments à consommer le plus souvent sont ceux qui ont l’impact le plus faible sur l’environnement et inversement!
Ainsi, en partant du régime et du mode de vie du pêcheur crétois ou du paysan du Sud de l’Italie des années 1960, la diète méditerranéenne a été modélisée et actualisée. Le monde entier se l’est appropriée, mais est-elle encore pratiquée en Méditerranée?

Le Monde se «méditerranéise» pendant que la Méditerranée se «déméditerranéise»

Depuis quelques années, on observe des changements dans les habitudes alimentaires des pays méditerranéens: c’est ce que l’on appelle l’occidentalisation du mode de vie et de manger et la perte des traditions. La plupart des pays méditerranéens s’éloignent de manière spectaculaire du modèle de la diète méditerranéenne.

Cela se traduit par un régime alimentaire très différent, voire à l’opposé, du concept méditerranéen: plus calorique, plus gras, plus sucré, plus riche en viande et en produits industriels ultra-transformés. D’ailleurs, les chiffres de l’obésité commencent à être affolants dans les pays méditerranéens, même si les dernières études montrent une réaction positive notamment en Egypte, en Italie, en Espagne, en France et en Algérie.

Tous les pays méditerranéens (étudiés), à l’exception du Maroc, s’éloignent de la diète méditerranéenne. Ce phénomène prend une ampleur particulièrement importante en Grèce, pays emblématique de la diète idéale. Giulia Palma et Martine Padilla CIHEAM-IAM de Montpellier

Ces modifications n’ont rien à voir avec l’évolution progressive de la diète méditerranéenne observée depuis l’Antiquité, évolution au cours de laquelle les peuples de la Méditerranée ont construit peu à peu leur identité en s’appropriant les produits et les techniques issus de leurs découvertes. Comme ce fut le cas, par exemple, lors de l’introduction de la tomate: lire l’article.

Paradoxalement, ailleurs, on observe l’inverse. Certains pays hors Méditerranée consomment plus de fruits et légumes, de poisson, de céréales et d’huile d’olive. La diffusion des bienfaits de la diète méditerranéenne (programmes de santé publique, livres, reportages,…) a largement contribué aux changements des habitudes alimentaires de certains consommateurs et à l’engouement pour les produits marqueurs de la diète méditerranéenne.

En France, le Programme National Nutrition Santé (PNNS) reprend à sa façon les principes de la diète méditerranéenne: «manger 5 fruits et légumes par jour», «manger moins gras, moins salé, moins sucré», «manger une poignée de fruits à coque par jour», «manger, bouger»,… Voir Les recommandations du PNNS en vidéo.
Même des pays comme le Canada et les Etats-Unis, bien connus pour leur régime alimentaire gras et sucré, «méditerranéisent» leur alimentation.
Mais que veut dire « suivre » la diète méditerranéenne hors Méditerranée? Faut-il pour cela faire traverser la planète à des produits typiquement méditerranéens ou bien cultiver et consommer des produits désaisonnalisés? Non, évidemment!
Suivre la diète méditerranéenne hors Méditerranée consiste tout d’abord à respecter le produit et son terroir, s’inspirer des principes du modèle en utilisant des produits présents sur son propre territoire et, quand cela est possible, consommer des produits typiquement méditerranéens dans le respect de l’environnement. Bref, c’est surtout adopter des habitudes autour d’une alimentation locale, de saison, alliant cuisine et convivialité.

On ne peut qu’encourager les principes de ce modèle alimentaire, mais cela ne doit pas se faire à coup d’exploitation intensive des ressources de la Méditerranée, d’exportation irraisonnée, de délocalisation, de désaisonnalisation ou de marketing-méditerranéen mettant en avant des produits industriels.
En fait, pendant que les méditerranéens doivent se réapproprier leur mode de vie et de s’alimenter, les non-méditerranéens doivent apprendre à composer avec une alimentation et un style de vie en lien avec leur territoire pour leur santé et celle de la planète: car c’est ainsi qu’il faut lire la pyramide de la diète méditerranéenne!


Quelques références:

Histoire de l’alimentation méditerranéenne: J.-L. Schlienger et al – 2014 – Elsevier Masson SAS – Article de presse
La Dieta Mediterranea : mito e storia di uno stile di vita – Elisabetta Moro – il Mulino – 2014 – Nuova edizione 2021 – Livre
CIHEAM-IAM: Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier – Site internet
Mediterra 2012: la diète méditerranéenne, pour développement régional durable – CIHEAM-IAM – Document à télécharger
The Mediterranean Diet: Site internet (en français)
La diète méditerranéenne: inscription au patrimoine culturel immatérielSite internet

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2 réponses

  1. Anonyme dit :

    De très bonnes recommandations, dans la sagesse et l’intelligence pour se nourrir.
    Je fais une suggestion : je rajoute la sieste sur une chaise longue à l’ombre en été !

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