L’histoire de la tomate confinée: 3ème partie.

Un virus chez la tomate? Et oui, en ce début d’année 2020 la tomate a dû, elle-aussi, affronter son virus (nom de code ToBRFV). En alerte depuis plusieurs mois, la France avait mis en place des mesures de surveillance et de contrôle dans les exploitations. Après une suspicion de présence du virus sur un site de production dans le Finistère, il y a eu confirmation: le virus de la tomate avait frappé.

Résultat: mise en confinement. Tiens, ça ne vous rappelle pas quelque-chose?

3ème partie: Le virus de la tomate ou l’histoire du 2ème confinement de la tomate.

1- Les premiers signalements du virus au Moyen-Orient en 2014.

ToBRFV (encore un virus au nom bizarre) signifie en anglais Tomato Brown Rugose Fruit Virus ou virus du fruit brun et rugueux de la tomate. Il menace les cultures de tomates, mais aussi de piments et de poivrons.
Il a été identifié pour la 1ère fois en Israël et en Jordanie en 2014-2015 et depuis il se propage partout dans le monde. Signalé au Mexique, aux Etats-Unis, en Allemagne et en Italie en 2018, il a fait son apparition en Egypte, en Chine, en Turquie, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Espagne et en Grèce en 2019. Il fallait donc s’attendre à ce qu’il arrive chez nous. Et bien, c’est fait! Il a été identifié en France en février 2020.

L’Agence Française de Sécurité Sanitaire (ANSES), voyant se multiplier les signalements de présence du virus dans le monde, a mené une expertise courant 2019 afin d’évaluer les risques d’introduction et de dissémination du virus en France. Elle a pu mettre en évidence un risque élevé. Début février 2020, elle lance une alerte et dresse des recommandations pour faire face à ce nouveau virus qui peut être dévastateur pour les plantations de tomates.

– Mise en place d’un plan national pour garantir une surveillance structurée et une détection précoce du ToBRFV.
– Arrachage des plantes (symptomatiques et asymptomatiques) dans l’unité de production contaminée et destruction par le feu, couplés à des mesures de prophylaxie strictes comprenant notamment la mise en place d’un vide sanitaire adapté sur le site de production. (ANSES).

Nous étions donc prêts en cas d’apparition et de propagation du virus sur le sol français.

2- Le ToBRFV: un nouveau virus redoutable pour la tomate.

Ce virus s’attaque aux plantes de la famille des Solanacées. Pour le moment, seuls les tomates, les piments et les poivrons sont concernés. Cependant, il faut aussi surveiller les autres plantes de cette famille comme les pommes de terre et les aubergines. Le ToBRFV est particulièrement redoutable et son impact potentiel sur les cultures peut être ravageur, aussi bien pour les filières professionnelles que pour les productions familiales. Heureusement, il est sans danger pour l’homme.

Comment se propage-t-il?

Il peut pénétrer dans la plante par des micro-blessures provoquées par un contact physique avec tout support porteur du virus: plantes, mains, outils, vêtements, insectes, oiseaux ou eau d’irrigation par exemple. Une fois dans la plante, il l’envahit. Ce virus est très contagieux et peut contaminer la totalité d’un site de production. Toutes les parties de la plante peuvent être porteuses et contagieuses (semences, plants, fleurs, fruits). Très résistant, il survit longtemps à l’air libre sans perdre de son pouvoir infectieux et il peut vivre plusieurs mois sur des supports inertes.

Une tomate peut donc être infectée par les semences, mais aussi par contact avec d’autres plantes ou tout autre élément, permettant ainsi une transmission facile et une propagation redoutable du virus.

Quels sont les symptômes?

Le virus dégrade tous les éléments de la plante :

  • sur les feuilles : marbrures, déformation en forme de mosaïque.
  • sur les fleurs : tâches et nécroses.
  • sur les fruits : décoloration, tâches jaunes à brunes, déformation et rugosité. Le virus bloque la maturation des tomates et dégrade leurs qualités organoleptiques (couleur, odeurs, saveurs, texture, arômes). Et même s’il est sans danger pour la santé humaine, il rend la tomate impropre à la commercialisation et à la consommation.

Toutes les tomates peuvent être infectées : bio ou non, de plein champ ou sous serres, production par des professionnels ou par des jardiniers amateurs.

Les cultures intensives sous serres sont tout de même plus à risque. La densité de plantation entraine une proximité des plants et une propagation plus importante et rapide du virus. En France, 85% de la production de tomates par les professionnels se fait sous serres. On peut comprendre les préoccupations de la filière si le virus venait à se propager massivement.

L’Agence Française de Sécurité Sanitaire craint également une propagation du virus chez les particuliers: contact et manipulation par les jardiniers amateurs et risque lié à l’achat de semences contaminées sur internet.

Comment lutter contre ce virus?

Si les plantes sont infectées, seule solution: confinement du site, arrachage et destruction par le feu des plantes, décontamination du site.
En effet, aucun traitement n’existe contre ce virus et aucune variété de tomate résistante n’a encore été développée. Pas d’immunité collective et pas de vaccin chez la tomate!
Le signalement de la présence du virus dans les aires de production est le seul moyen d’intervenir rapidement, d’éviter toute propagation et de mener une enquête de traçabilité sur l’origine de la contamination. Le confinement du site permet juste d’éviter la propagation mais ne sauve pas les plantations. La tomate ne guérit pas de cette attaque.

Mesures préventives préconisées: aérer et espacer les plants, choisir un réseau d’approvisionnement en semences sûr, adopter des gestes barrières (manipulation, contact, nettoyage du matériel, …).
Mesures curatives radicales: confinement, destruction, désinfection.

Photos de plants de tomates naturellement infectés par le ToBRFV.
(A-C) Motif de mosaïque symptomatique sur feuilles de tomates en grappe.
(D) Pédoncules et calices séchés sur des tomates cerises.
(E) Symptômes nécrotiques sur pédoncule, calice et pétiole.
(F) Symptômes typiques de tâches jaunes sur fruits.
(G-I) Symptômes variables sur des fruits.

3- Février 2020: un cas de ToBRFV confirmé en France.

En tant que pays producteur de tomates, la France peut craindre des conséquences économiques importantes en cas de propagation du ToBRFV dans les productions professionnelles, mais aussi dans les productions domestiques (voir les chiffres sur le marché de la tomate dans la 2ème partie de l’histoire de la tomate confinée). C’est pourquoi, en ce début d’année 2020, toute la filière a retenu son souffle. Cet épisode est passé un peu inaperçu pour les consommateurs, il est vrai que nous avions un autre virus en tête…

En fait, la France a connu son premier et unique cas de ToBRFV en février 2020. Heureusement, nous étions prêts et la tomate s’en est sortie rapidement.

Retour sur le déroulement des événements de février dernier :

  • Suspicion de présence du virus sur des tomates de serre dans une exploitation du Finistère.
  • Prélèvement et analyse des échantillons.
  • Confirmation de la contamination.
    « Le 17 février 2020, le Ministère de l’Agriculture confirme la contamination de tomates de serre par le virus ToBRFV dans le Finistère. L’exploitation touchée est spécialisée dans la production de tomates sous serre (12 000 m2). »
  • Confinement de l’exploitation, 2 serres étaient touchées sur le site.
  • Destruction des plantes.
  • Décontamination et désinfection des serres et du site.
  • Surveillance renforcée des exploitations situées dans l’environnement de la contamination.
  • Enquête de traçabilité. L’origine de la contamination serait attribuée à des plants achetés au Royaume-Uni issus de semences provenant des Pays-Bas.

3 autres exploitations utilisant des plants du même lot que les plants incriminés ont été identifiées. On a eu peur, heureusement il n’y avait pas de contamination sur leur site.
Le foyer a été maîtrisé à temps. Au-delà du cas du Finistère, l’ensemble du territoire français reste à l’heure actuelle indemne du virus.

Mais attention, le risque de réapparition du virus en France reste élevé. C’est pourquoi, le Ministère de l’Agriculture a publié un arrêté le 13 mars 2020, fixant à l’échelle nationale les mesures obligatoires de prévention, de surveillance et de lutte contre le virus pour les professionnels. 3 fiches de recommandations sont également à la disposition des jardiniers amateurs, des jardineries et des producteurs.

Actuellement, le virus est toujours présent en Israël et en Jordanie, avec encore quelques cas en Chine, en Turquie et en Grèce. Des mesures restrictives sont appliquées au Mexique et en Italie. Suite à une contamination passagère, il est éradiqué ou en cours d’éradication aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Espagne et en France. Il a été éradiqué en Allemagne et aux Etats-Unis.

Après une apparition maîtrisée dans le Finistère, disparition du virus ToBRFV du sol français: la tomate n’aura pas été confinée longtemps cette fois-ci, juste quelques semaines et sur un seul site! Une situation bien différente par rapport à son 1er confinement: voir l’histoire de la tomate confinée 1ère partie.
Mais restons sur nos gardes: si vous êtes jardiniers amateurs, soyez vigilants, surveillez vos tomates et consultez la fiche rédigée par le ministère.

Le parallèle entre les mesures prises pour le virus de la tomate et la situation que nous avons vécue et que nous vivons encore avec le coronavirus (covid-19) est évident. Grande différence cependant: le 17 mars 2020, l’épisode du virus de la tomate était fini en France alors que ce n’était que le début pour nous…

L’histoire de la tomate confinée, fin de la 3ème et dernière partie.
Précédemment:

1ère partie: Un début bien difficile pour la tomate ou l’histoire du 1erconfinement. Cliquez ici.
2ème partie: La tomate en bonne place ou le légume préféré des français. Cliquez ici.


Sources et références:

  • ANSES: L’ANSES met en garde contre un virus émergent qui affecte les plantes potagères.
  • Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation: Arrêté du 13 mars 2020, fixant à l’échelle nationale les mesures obligatoires de prévention, de surveillance et de lutte contre le virus pour les professionnels.
  • Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation: 3 fiches de recommandations.
  • EPPO: European and Mediterranean Plant Protection Organization (Organisation Européenne et Méditerranéenne pour la Protection des Plantes).
  • Photos: ANSES Pascal Gentit, OEPP/Raffaele Giurato, OEPP/Heike Scholz-Döbelin, A New Israeli Tobamovirus Isolate Infects Tomato Plants.

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6 réponses

  1. Olivier dit :

    Articles très intéressants sur les différents sujets.

  2. Anonyme dit :

    Très interessant ce qui se passe dans notre alimentation et dans nos cultures.
    Merci de nous informer et nous rendre vigilants.

  1. 22 mai 2020

    […] 2ème partie.La suite:3ème partie: Un virus chez la tomate ou l’histoire du 2ème confinement. Cliquez ici.Précédemment: 1ère partie: Un début bien difficile pour la tomate ou l’histoire du […]

  2. 22 mai 2020

    […] L’histoire de la tomate confinée, fin de la 1ère partie.La suite:2ème partie : La tomate en bonne place ou le légume préféré des français. Cliquez ici.3ème partie : Un virus chez la tomate ou l’histoire du 2ème confinement. Cliquez ici. […]

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