Bientôt un affichage environnemental sur les produits alimentaires

A côté des logos et des applications nous renseignant sur la qualité nutritionnelle ou le degré de transformation des produits, un nouvel affichage pourrait bientôt voir le jour:  il s’agit d’un logo pour indiquer l’impact environnemental des produits alimentaires.

Objectif: nous aider à repérer les produits les plus respectueux de l’environnement et inciter les entreprises à produire plus responsable.
Cela fait plus de 10 ans que cet affichage est dans les tiroirs. Les différentes études, expérimentations et même la mise en place de dispositifs par certaines entreprises (notamment à partir du calcul de l’empreinte carbone des produits) ont montré la complexité d’une telle initiative et une harmonisation des systèmes de calcul et des modes d’affichage n’a jamais été concrétisée.
Il faut dire que la tâche n’est pas simple. Comment faire entrer dans un seul symbole à la fois complet et lisible, toutes les données concernant l’impact d’un produit alimentaire sur l’environnement?

De la production agricole à la consommation finale du produit: que d’étapes, que de flux de matières et d’énergie à quantifier et à analyser!
Portée par des enjeux climatiques de plus en plus urgents, une nouvelle expérimentation est en cours: elle devrait normalement déboucher sur une proposition d’affichage environnemental basé sur une méthodologie scientifique fiable et compréhensible.

L’alimentation: un levier d’action pour la transition écologique

En France, l’alimentation représente 24% de l’empreinte carbone des ménages. La production agricole occupe quant à elle le premier poste de l’empreinte carbone liée à l’alimentation soit les 2/3. Au second poste, on trouve l’ensemble des transports (transport de marchandises et transport des ménages pour l’acte d’achat ou de consommation) avec 19% de l’empreinte carbone liée à l’alimentation.

On voit bien que l’alimentation a son rôle à jouer dans la préservation de notre environnement: que ce soit dans les pratiques agricoles, dans le commerce et la distribution, dans nos choix de consommation, mais aussi dans la réduction du gaspillage et la valorisation des déchets.

Bien-sûr, il existe déjà des logos et des labels certifiant des systèmes engagés dans le respect de l’environnement, mais un affichage harmonisé indiquant l’impact environnemental par produit serait une première dans l’alimentation.
Même si certaines entreprises indiquent déjà des repères allant dans ce sens, un dispositif commun et validé par une autorité compétente permettrait une véritable avancée comme on peut déjà le voir dans certains secteurs: par exemple, les appareils électriques affichent depuis longtemps des repères de consommation énergétique et depuis peu des indices de réparabilité.
On peut penser que cela permettrait aux consommateurs de faire des choix éclairés pour la santé de la planète et contribuerait aussi à inciter les professionnels à aller vers des modes de production, de transformation, de transports et d’emballage plus respectueux de l’environnement.

Une expérimentation en cours pour les produits alimentaires

En application de l’article 15 de la loi contre le gaspillage et pour une économie circulaire du 10 février 2020, une phase d’expérimentation est en cours afin d’évaluer différentes méthodologies et modalités d’affichage environnemental. Cette expérimentation devrait permettre de déterminer les méthodes les plus susceptibles d’être retenues pour déployer un affichage environnemental harmonisé dans différents secteurs comme le textile, l’ameublement, l’hôtellerie, les produits électroniques et les produits alimentaires.

Le comité de pilotage de l’expérimentation pour les produits alimentaires est composé de L’ADEME (Agence de la Transition Ecologique), du Ministère de la Transition Ecologique, du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, du Ministère de l’Economie et des Finances et de l’INRAE (Institut National de la Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement).
Véritable appel à candidatures, toute structure publique ou privée peut déposer son projet d’affichage environnemental. Tous les projets devront être finalisés pour juin 2021.
Une vingtaine de candidats a répondu à l’appel, parmi eux des distributeurs, des groupements de professionnels, des applications smartphone.
Viendra ensuite le temps de l’analyse des projets et de la rédaction d’un rapport à destination du Parlement pour l’automne 2021. Le but sera à terme de proposer un dispositif d’affichage environnemental harmonisé sur les produits alimentaires avec une information fiable et lisible.

Comment calculer l’impact environnemental d’un produit alimentaire?

Les consignes du comité de pilotage sont claires: les projets devront s’appuyer sur l’analyse du cycle de vie du produit complétée par d’autres indicateurs.

La méthode de l’analyse du cycle de vie

A chaque étape du cycle de vie du produit (de la production agricole jusqu’à l’achat et la préparation par le consommateur), des bilans de matières, d’énergie et de polluants sont réalisés afin de renseigner un ensemble d’indicateurs d’impact sur l’environnement et obtenir ainsi le score environnemental du produit.

En France, Agribalyse est la base de données publique et ouverte à tous référente en la matière. Mené par L’ADEME, l’INRAE et des cabinets indépendants, cet outil fournit le score environnemental d’environ 200 productions agricoles brutes (bœuf, poulet, blé, tomate,…) et 2500 aliments prêts à consommer (charcuterie, plats préparés, desserts, biscuits, boissons,…) en agrégeant les données du cycle de vie de chaque produit pour 14 indicateurs environnementaux.
Pour info, toutes les données d’Agribalyse sont facilement consultables: il suffit d’entrer le nom du produit recherché sur agribalyse.ademe.fr.

Un score intéressant mais pas suffisant

Agribalyse travaille sur des produits types, représentatifs des produits standards consommés en France. Le score obtenu reflète donc une réalité standard moyenne pour un produit générique (une sauce tomate standard, un yaourt nature standard, une pizza jambon fromage standard,…). On pourra donc connaître l’impact environnemental de catégories de produits génériques mais dès que l’on voudra affiner le score en fonction des caractéristiques spécifiques d’un produit, cela ne sera pas possible.

Exemple d’interprétation des données Agribalyse pour des confitures
Ici, on peut voir le score environnemental moyen pour 1 kg de confiture: plus le score est bas plus son impact sur l’environnement est faible.
Les limites: pas de déclinaisons possibles du produit comme le lieu d’approvisionnement des fruits, leur mode de production, le procédé de cuisson, le lieu de transformation, l’emballage,…
Ce score nous permet-il de conclure que la confiture de cerise a un plus fort impact sur l’environnement que celle d’abricot?
-« oui pour des confitures génériques et standards ». L’analyse du cycle de vie nous montre que l’impact environnemental peut dépendre du type de fruit en général: système de production agricole, transport, conservation, procédé de transformation propres à tel ou tel fruit.
-« pas forcément ». Si on tient compte des données spécifiques de chaque produit, peut-être qu’une confiture de cerise bio et locale aura moins d’impact environnemental qu’une confiture d’abricot standard.
Ce score nous permet-il de choisir entre 2 confitures d’abricot ou 2 confitures de cerise?
-« non ». Pour cela, il faudrait intégrer les données spécifiques de chaque confiture.

Des indicateurs complémentaires nécessaires

On comprend que les données génériques issues de l’analyse du cycle de vie d’Agribalyse ne permettront pas de répondre à la question «quelles marques, quels producteurs proposent la confiture d’abricot ayant le moins d’impact sur l’environnement?».
Il faudra compléter le score obtenu par:

  • des données spécifiques sur le produit comme l’origine, le mode production, la saisonnalité, les signes de qualité déjà obtenus en lien avec le respect de l’environnement,…
  • et des indicateurs environnementaux complémentaires comme le respect de la biodiversité, l’impact des produits phytosanitaires sur la santé des hommes et des écosystèmes, le stockage et déstockage du carbone dans les sols,…

Certains dispositifs déjà visibles sur les produits

Quelques logos de score écologique ou d’empreinte carbone sont déjà présents sur des sites, des applications ou des emballages. Certains depuis plusieurs années car issus de travaux antérieurs à l’expérimentation en cours et d’autres plus récemment et portés par des candidats à l’expérimentation comme l’Eco-Score. Lancé par un collectif d’acteurs engagés dans le monde de l’alimentation comme Yuka, ScanUp ou Open Food Facts, l’affichage de l’Eco-Score s’inspire de celui du Nutri-Score avec le même code lettres et couleurs.
Son calcul reprend les préconisations de l’expérimentation: il est basé sur le score de l’analyse du cycle de vie Agribalyse pondéré par un jeu de bonus/malus pour tenir compte d’éléments complémentaires comme le système de production, l’origine des produits, la politique environnementale des pays producteurs, l’exploitation d’espèces menacées, la recyclabilité des emballages. Le tout est ensuite transformé en un visuel très compréhensible.
Le déploiement de ces affichages est intéressant car il permet de visualiser un score en situation réelle, et donc de pointer ses forces et ses faiblesses.


Par exemple l’application Yuka affiche dès à présent l’Eco-score de certains produits: une information qui pourrait être pertinente mais qui reste encore perfectible au vu des données manquantes (flèches rouges) pour calculer le score environnemental!

Ces initiatives de lancement privées vont dans le bon sens mais il ne faudrait pas que cela prête à confusion en multipliant les logos et en affichant des scores incomplets. D’où tout l’intérêt de l’expérimentation en cours pour un affichage « officiel ».

Affichage environnemental ou «usine à gaz»?

Le calcul d’un score environnemental pour un produit alimentaire est d’une grande complexité. Obtenir une information complète, juste et qui permette de discriminer les produits ne va pas être une tâche facile pour les propositions en cours d’évaluation.
Mais finalement, a-t-on vraiment besoin d’un nouvel affichage sur nos produits? En choisissant des produits bruts ou peu transformés, le plus souvent locaux, et surtout de saison, ne favorisons-nous pas déjà les produits les plus respectueux de l’environnement?
Et bien, pas forcément: car local, brut et de saison ne veut pas toujours dire sans pesticides et sans plastique! Et des tomates produites localement sous serres chauffées pourraient bien avoir un impact environnemental plus mauvais que des tomates importées! Là, un affichage environnemental bien construit ferait la différence.

Pour en savoir plus, il faudra attendre le rapport de l’expérimentation prévu pour cet automne et également les dispositions prises par la « loi climat » en cours de discussion à l’Assemblée Nationale qui devraient venir compléter la « loi contre le gaspillage et pour une économie circulaire ». A suivre…

Vous aimerez aussi...

3 réponses

  1. Dauphin Claude dit :

    merci pour vos articles toujours aussi intéressants en espérant écouter vos conférences

  2. Anonyme dit :

    Ah oui super intéressant, encore beaucoup de travail pour que nous obtenions une indication plus précise nous permettant de faire le meilleur choix de consommation.
    L’article nous incite déjà à avoir plus de réflexion dans nos achats. Et nous comptons sur vous pour nous tenir informé de la suite des travaux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *