Le Nutri-Score obligatoire en Europe? Bruxelles reporte sa décision.

Créé par la France, le Nutri-Score est un logo d’information nutritionnelle qui nous est désormais bien familier. Même si sa présence sur les emballages n’est pas obligatoire, de plus en plus de produits l’ont adopté: simple et compréhensible, il aide le consommateur à orienter ses choix vers des produits ayant une qualité nutritionnelle plus favorable pour la santé.

En 5 ans d’existence, l’expérimentation lancée par la France a trouvé ses adeptes puisque plus de 800 marques affichent maintenant le Nutri-Score sur leurs produits et 5 autres pays de la Communauté Européenne (Belgique, Espagne, Allemagne, Hollande, Luxembourg) ainsi que la Suisse en ont fait leur label nutritionnel de référence.
Les consommateurs le reconnaissent, mais en ont-ils vraiment saisi la portée et surtout les limites.
C’est justement ses limites que pointent du doigt ses détracteurs et qui font encore douter Bruxelles. En effet, fin 2022, l’Europe devait se prononcer sur le logo nutritionnel qui serait retenu et rendu obligatoire pour tous les pays de la Communauté afin d’harmoniser l’étiquetage nutritionnel sur l’ensemble du territoire. Le Nutri-Score avait de bonnes raisons d’espérer, fruit d’études scientifiques et testé grandeur nature depuis plusieurs années, il se présentait comme le favori à cette nomination. Mais les discussions ont relancé le débat entre les pays membres et finalement Bruxelles se donne un peu de temps en reportant sa décision au printemps 2023.
Au moment où le Nutri-Score a entamé une révision de son mode de calcul, on peut se demander si d’autres systèmes d’affichage nutritionnel ne vont pas le coiffer au poteau.

Une évolution nécessaire du mode de calcul

Le calcul actuel

Le calcul du Nutri-Score repose sur la teneur du produit en composantes plus ou moins favorables pour la santé:
– valeur énergétique, acides gras saturés, sucres et sel pour les composantes négatives,
– fruits et légumes, légumineuses, fruits à coque, fibres et protéines pour les composantes positives.
Ce calcul est identique pour tous les produits sauf pour les fromages, les matières grasses végétales ou animales et les boissons. Pour ces derniers, le calcul est adapté en fonction de leurs particularités:
– la teneur en protéines pour les fromages,
– le rapport Acides Gras Saturés/Lipides Totaux pour les matières grasses,
– les sucres totaux et les fruits et légumes pour les boissons.
L’ensemble permettant d’attribuer des points aux produits, points donnant les lettres et les couleurs visibles sur le logo. Pour plus de précisions, consulter l’article: Comment est calculé le Nutri-Score?

Qu’est-ce qui va changer à partir de 2023?

Après 5 ans d’application sur le terrain, il est normal de faire une mise à jour. L’objectif de cette révision est de mettre l’algorithme de calcul en cohérence avec les nouvelles recommandations nutritionnelles de santé publique, de refléter au mieux la qualité nutritionnelle des produits et surtout d’être plus sévère avec certains aliments à haute teneur en acides gras saturés, en sucres et en sel.
Le principe de calcul reste le même sur le fond, mais certains groupes d’aliments vont connaître une évolution.
Par exemple:

  • La viande rouge sera moins bien notée car elle contient des acides gras saturés et les recommandations préconisent de limiter sa consommation.
  • Les céréales pour le petit déjeuner: certaines ne pourront plus avoir A si elles contiennent beaucoup de sucres.
  • Les produits laitiers seront mieux différenciés en fonction de leur teneur en sucres ajoutés.
  • Les aliments trop salés seront désormais en D et E.
  • Les plats préparés passeront de A/B à C/D voire E selon leur composition.
  • Les poissons gras sans ajout de sel ou d’huile seront mieux notés du fait de leur apport en acides gras polyinsaturés (tels que les oméga 3) et de leur teneur en protéines.
  • Les huiles verront aussi leur notation évoluer: colza, olive et noix seront en B au lieu de D, car ce sont des huiles à favoriser (composition en acides gras insaturés, en antioxydants, …)
  • Les fromages avec peu de sel passeront à C au lieu de D.
  • Le pain et les pâtes: leur notation va changer pour mieux discriminer les produits complets (présence de fibres). Ils auront un A, tandis que les raffinés auront B ou C selon leur teneur en sel.

Certains changements sont encore à l’étude pour les boissons, notamment les boissons édulcorées, et pour les produits ultra-transformés qui pourraient avoir un bandeau noir autour du logo (l’ultra transformation n’étant actuellement pas prise en compte dans le calcul du Nutri-Score).

Le Nutri-Score et l’Europe: un simple contre-temps ou un véritable revers?

Le Nutri-Score s’était pourtant bien préparé à une éventuelle consécration européenne. La révision de son mode de calcul entamée depuis plusieurs mois devait permettre de gommer quelques-unes de ses limites et de répondre à ses opposants. Mais pour certains, ce n’est pas suffisant.

La non prise en compte du degré d’ultra-transformation du produit reste encore un point critique car on peut voir des produits avec un Nutri-Score favorable tout en étant bourrés d’additifs et d’ingrédients issus de l’ultra-transformation, produits à consommer avec beaucoup de modération comme nous l’avons vu dans l’article consacré aux aliments ultra-transformés.

De plus, le cas des produits du terroir n’est pas encore tranché même si le comité chargé de la révision du calcul du Nutri-Score devrait se pencher prochainement sur ces produits particuliers.
C’est un gros point de désaccord entre pays européens, porté notamment par l’Italie et la Grèce, pays remettant en cause le choix du Nutri-Score comme logo européen.
En effet, les produits «du terroir» sont souvent des charcuteries, des fromages, des gâteaux, … produits qui auront forcément un Nutri-Score défavorable du fait de leur caractère gras, salé et sucré. Or, le terroir, c’est le terroir et la recette est ce qu’elle est!
Par exemple, on ne peut pas changer la composition d’un produit sous Appellation d’Origine Protégée (AOP): le produit est typique de son terroir (histoire, savoir-faire, …) et doit le rester. C’est l’essence même de son existence et de son cahier des charges.


L’opposition se manifeste aussi en France: les producteurs de fromages AOP et IGP (Indication Géographique Protégée) demandent à être exemptés de l’obligation d’apposer le Nutri-Score sur leurs produits.
C’est là que le consommateur doit faire preuve de bon sens: qu’il soit AOP ou non un aliment riche en acides gras saturés, en sucres ou en sel reste riche en acides gras saturés, en sucres ou en sel.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas en manger: mais modérer sa consommation dans le cadre d’une alimentation variée et bénéfique pour sa santé.

Pourtant, le Nutri-Score a fait ses preuves.

Un réel succès auprès des consommateurs et des professionnels
Son intérêt: comparer la qualité nutritionnelle de produits d’une même famille ou pour un même moment de consommation.
Il ne s’agit pas de comparer une salade avec un paquet de céréales pour le petit déjeuner!
94% des français seraient favorables à ce qu’il devienne obligatoire (d’après Santé Publique France).
875 entreprises en France l’ont adopté soient plus de 800 marques qui représentent environ 60% de l’offre alimentaire.
– Ce sont pour une grande majorité des PME.
On trouve aussi des grands groupes agroalimentaires affichant le Nutri-Score mais certains sont encore défavorables à son obligation, le succès de leurs produits dépendant en grande partie de leur teneur en sucres, en sel ou en gras!

Des preuves scientifiques
Des études montrent une association entre un Nutri-Score moins bon et un risque accru de certaines maladies (cancers, maladies cardiovasculaires, gastro-intestinales,…).

Des actes d’achat pas encore convaincants
La traduction du Nutri-Score en actes d’achat de produits de meilleure qualité nutritionnelle n’est pas encore suffisamment significative: les études menées sont pour l’instant contradictoires.

Alors, que va choisir Bruxelles?

L’Europe veut se donner le temps et peut-être choisir un logo qui pourrait être un mix entre plusieurs systèmes d’information existants déjà, comme le Nutri-Score et le Nutrinform italien par exemple.

Le Nutrinform présente les calories, les graisses, les graisses saturées, les sucres et le sel présents dans une seule portion d’aliment et compare le pourcentage de ces teneurs avec ce qui est attendu dans un apport nutritionnel quotidien sain.

On attend donc pour 2023 le vote du parlement européen à Strasbourg pour savoir quel logo unique et obligatoire va être choisi pour tous les pays de la Communauté.

A noter que ce système d’information est réservé aux produits emballés et non aux produits bruts ou à la coupe.
Le fromage du fromager ou le jambon du charcutier n’ont pas de logo nutritionnel!
Pas de voyant rouge ou de lettre E sur ces produits, un moyen de se donner bonne conscience, raisonnablement!

Références:

  • Sante.lefigaro.fr, 12 octobre 2022, «Un Nouveau Nutri-Score pour 2023»
    Le Figaro fait le point avec le créateur du Nutri-Score, le Pr Serge Hercberg, épidémiologiste spécialiste de la nutrition en santé publique.
  • Latribune.fr, 27 mai 2022, «Le Nutri-Score favorise-t-il les aliments ultra-transformés?»
  • Leparisien.fr, 6 novembre 2022, «Alimentation: comment le Nutri-Score dope les ventes des produits sains»
  • Lanutrition.fr, 19 octobre 2022, «Pas de preuves que le Nutri-Score conduit à des choix alimentaires sains»
  • Lanutrition.fr 25 mai 2022, Anthony Fradet: «Le Nutri-Score ne fera pas baisser l’obésité»
  • Ilfattoalimentare.it, 14 marzo 2022, “Nutrinform Battery si oppone al Nutri-Score, l’industria alimentare contro la salute pubblica“

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1 réponse

  1. dauphin dit :

    Merci pour cette information et je suis tout à fait d’accord que le nutriscore est une aide et le consommateur doit faire preuve de discernement et ne pas se laisser berner par la publicité.

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