La petite histoire de la dinde de Noël
Rôtie, farcie, avec ou sans marrons, la dinde est familière des fêtes de fin d’année. Présente traditionnellement au menu de Noël, sa cuisson attire toujours toute notre attention: « Pourvu que la dinde ne soit pas sèche! ». Mais pourquoi mangeons-nous de la dinde à Noël?
A l’origine plat festif, sa consommation s’est peu à peu démocratisée pour devenir courante tout au long de l’année. Quelle que soit l’occasion ou la recette, la viande de dinde est recherchée pour ses qualités gustatives mais aussi pour ses atouts nutritionnels qui la mettent en bonne place dans les recommandations santé.
Partons à la découverte de cette volaille tant appréciée.
Une poule d’Inde qui nous vient d’Amérique!
Jusqu’à la fin du 15ème siècle: pas de dinde en Europe.
Présents à l’état sauvage sur le continent américain, du Sud du Mexique au Canada, dindes et dindons ont été domestiqués par les Amérindiens il y a plus de 3000 ans. Mayas et Aztèques en appréciaient déjà la chair ainsi que le plumage pour orner leurs costumes.
Nous devons sa découverte à Christophe Collomb qui, lors de son premier voyage au Nouveau Monde en 1492, a pu observer cet étrange volatile. C’est lors de la conquête du Mexique par Hernan Cortes en 1519, que l’on découvrit vraiment la domestication et la consommation de cette volaille jusque-là inconnue en Europe.
Des dindes vivantes furent ramenées en Espagne vers 1520. Les conquistadores espagnols les décrivaient ainsi: « poules grosses comme un paon avec des plumes comme une sorte de laine ». A partir de là, commença la diffusion de cet oiseau exotique dans toute l’Europe, prenant un nom bien différent selon le pays.
Les espagnols l’appelèrent « pavo » (paon se disant « pavo real » en espagnol) à cause de sa grande taille et de ses plumes en forme d’éventail, le dindon faisant la roue durant la parade nuptiale. D’ailleurs, le nom scientifique de la dinde est « Meleagris gallopavo », « gallopavo » pour « coq » et « paon ». Les français nommèrent cette volaille « coq d’Inde » ou « poule d’Inde », car on pensait avoir découvert l’Inde et non l’Amérique. C’est au début du 17ème siècle qu’apparut en France la contraction « dinde ». Les anglais, quant à eux, dirent « turkey » (Turquie), car elle aurait d’abord transité par la Turquie avant d’arriver en Grande Bretagne. Pour les italiens, ce fut « tacchino », onomatopée en référence à son cri. Au Portugal, on l’appela « peru » (Pérou), finalement le nom le plus proche de son origine géographique.
Décidemment, ce grand oiseau ne porte jamais le nom de ses origines. Si c’était le cas, on devrait manger de la « damérique »!
Une volaille bien vite adoptée sur les tables royales
En Europe, la domestication de la dinde se fit rapidement dès la fin du 16ème siècle. En France, cette volaille fut vite réputée.
En 1534, Rabelais évoque « des poules d’Inde » dans Gargantua.
Dès le milieu du 16ème siècle, le dindon est commun dans les « métairies françaises ». Il est décrit comme « un coffre à avoine, sale, hideux mais à la chair délicate ». Il devient même l’image de la gloutonnerie sur des fresques du château de Fontainebleau.
Au siècle suivant, la dinde entre dans le lexique de certains proverbes pour sa sottise et sa stupidité. Depuis, on n’a pas été très tendre! Bon nombre d’expressions de notre langage utilise la dinde et le dindon pour illustrer des défauts physiques ou de caractère comme la bêtise, la laideur, la duperie, la vanité ou la grossièreté!
On pense que les premières dindes furent servies en France à l’occasion de festivités à la Cour du Roi: tout d’abord en 1549 en l’honneur de Catherine de Médicis, puis en 1570 pour le banquet de noces du roi Charles IX.
La dinde détrôna les grandes volailles comme le paon et l’oie et devint un mets de prestige à la table des rois d’Europe. Tout d’abord réservée aux aristocrates, sa consommation se répandit progressivement auprès de la bourgeoisie.
Même si la diffusion de son élevage rendit plus abordable sa consommation, la dinde resta longtemps un mets de choix rare et coûteux, à déguster pendant les fêtes.
Et Noël fut l’occasion idéale pour servir cette volaille « exotique ».
Une dinde à Noël
Il a longtemps été de tradition de fêter Noël avec un plat à base de volaille rôtie, viande plus raffinée que la viande bouillie consommée le reste de l’année. Pour cette occasion, l’oie était privilégiée à condition de pouvoir se le permettre, sinon un poulet faisait l’affaire.
Avant la messe de minuit, le 24 décembre, on faisait la veillée de Noël: le repas était léger sans viande, on mangeait « maigre ». Et c’est le 25 décembre, parfois même dès le retour de la messe de minuit, que l’on fêtait Noël autour d’un repas « gras » avec une volaille rôtie.
La dinde s’est peu à peu invitée à la table. Sa belle taille était appréciée ainsi que sa chair blanche et délicate.
L’élevage se développa et les tables plus modestes purent la servir à leur tour, y voyant l’avantage d’être plus grosse qu’un poulet et moins chère qu’une oie pour nourrir toute une famille rassemblée à Noël.
Popularisée dès la fin du 18ème siècle, la coutume de la dinde farcie et rôtie pour Noël marqua, à partir du 19ème siècle, le succès gastronomique de la « poule d’Inde ».
Aujourd’hui, la consommation de la viande de dinde est presque devenue banale: la dinde est sortie de ses habits de fête et fait désormais partie de nos repas de tous les jours sous bien des formes différentes.
La dinde s’invite tous les jours
En France, nous consommons 4,6kg de dinde par an et par habitant (Source FranceAgrimer 2019).
C’est la volaille la plus mangée par les français après le poulet.
Devenue un produit de consommation courante, nous la mangeons entière mais surtout en découpes comme l’escalope, la cuisse, le haut de cuisse et en produits élaborés comme les rôtis, les panés, et même la charcuterie.
Les atouts nutritionnels de la viande de dinde sont reconnus. Peu calorique, source de protéines et d’acides aminés essentiels, pauvre en lipides, composée principalement d’acides gras insaturés, riche en vitamines du groupe B notamment en vitamine B3 et en sels minéraux comme le phosphore et le potassium, elle est également réputée pour sa digestion facile permettant une consommation à tout âge.
Viande blanche, la dinde est aussi une viande brune selon les morceaux.
Cela dépend de la quantité de myoglobine contenue dans ses muscles. La myoglobine est une protéine qui transporte l’oxygène dans les tissus musculaires: elle se retrouve dans les parties les plus musclées comme les cuisses pour les volailles qui marchent et les ailes pour celles qui volent. Le fer étant le composant bien connu de la myoglobine, les parties brunes en contiennent un peu plus que les parties blanches.
La dinde domestique ne vole pas, c’est donc dans les cuisses que la viande sera plus foncée, à condition que notre dinde ait marché. Pas évident si elle provient d’un élevage intensif…
D’où l’importance du mode d’élevage, non seulement sur les qualités gustatives, mais aussi sur les qualités nutritionnelles.
Voici un tableau comparatif de la composition de différents morceaux de dinde.
Ces valeurs moyennes cachent d’importantes disparités en fonction essentiellement de l’élevage et de l’alimentation des dindes.
Morceaux bruns ou blancs: on observe quelques différences nutritionnelles, essentiellement pour les vitamines et les sels minéraux, la matière grasse se trouvant majoritairement dans la peau. Pour le reste, c’est une question de goût: du blanc ou la cuisse?
Une coutume un peu oubliée de nos jours
Il est vrai que le menu de nos repas de Noël s’est peu à peu diversifié. La dinde, oiseau exotique venu du Nouveau Monde, ne fait plus rêver comme auparavant. On la consomme couramment, finie l’exception des repas festifs. Place à plus d’originalité dans nos menus de fêtes et à d’autres volailles devenues ou redevenues prestigieuses comme l’oie ou le chapon, ou à d’autres viandes comme le gibier, …
Mais le rite de la dinde de Noël est ancré dans notre patrimoine culinaire et nous avons plaisir à la retrouver sur nos tables de fête même si nous lui faisons quelques infidélités certaines années.
Noël, c’est l’occasion de la servir entière rôtie et farcie. Un plaisir à redécouvrir quand le reste du temps nous la consommons autrement.
C’est aussi le moment de bien la choisir: élevage en plein air, dindes fermières, dindes avec signe de qualité comme le Label Rouge, l’AOP, autant de critères pour garantir le plaisir de nos papilles!
Bien rôtie, farcie et avec des marrons dans le jus …. hum ! C’est Noël.
Et grâce à ce très bon article nous donnant des informations sur la qualité nutritionnelle, je sais que je pourrais me resservir… raisonnablement.