L’histoire de la tomate confinée: 2ème partie.
Sortie de son premier confinement, la tomate a vite rattrapé le temps perdu. On ne compte plus les façons de la consommer, crue ou cuite. Et même si du point de vue botanique la tomate est un fruit, notre utilisation culinaire la classe dans la catégorie des légumes. C’est d’ailleurs le légume le plus consommé en France (si on enlève la pomme de terre qui, selon les nutritionnistes, fait plutôt partie de la famille des féculents).
Après avoir été boudée pendant des siècles (voir la 1ère partie de l’histoire de la tomate confinée), la tomate fait désormais exploser les chiffres. Victime de son succès, elle est même disponible toute l’année, mais là, ce n’est pas vraiment à son avantage. Cette 2ème partie sera l’occasion de faire le point sur le marché de la tomate avec ses forces et ses faiblesses.
2ème partie: La tomate en bonne place ou le légume préféré des français.
1- La tomate devenue star: au centre d’un vrai business.
Partie d’une plante basse aux petits fruits jaunes originaire des Andes, la tomate a connu en 500 ans plus de modifications que n’importe quelle autre plante: domestication des plants, sélection et création de nombreuses variétés, évolution des techniques de production,…
La recherche et les progrès de l’agriculture ont permis une intensification de sa production: on produit maintenant des tomates toute l’année, avec de hauts rendements, même dans des régions septentrionales. Pas toujours en faveur du goût et du respect des saisons…
Une filière s’est vite organisée autour de ce «légume-fruit». On compte aujourd’hui des milliers de variétés de tomates dans le monde dont plus de 500 sont inscrites au Catalogue Officiel des Espèces et Variétés de Plantes Cultivées en France. A côté des variétés dites anciennes, ont été développées des variétés adaptées aux nouveaux modes de production et de consommation: tomates de formes et de couleurs différentes destinées à satisfaire une multitude d’utilisations et à attirer l’œil sur les étals, tomates précoces ou tardives, résistantes au froid, aux chocs, au stockage, au transport,…
Ainsi, la filière de la tomate s’est peu à peu structurée. Objectif: une exploitation efficace de ce légume devenu incontournable. La filière se divise désormais en 2 branches bien distinctes:
- La filière de la tomate fraîche, destinée au marché du frais pour notre consommation domestique, ainsi que pour l’utilisation en frais dans diverses préparations proposées par la restauration hors foyer (cantines, restaurants, sandwicheries,…) et par les artisans ou les industriels dans leurs plats, salades, pizzas,…
- La filière de la tomate d’industrie, destinée à la transformation en dérivés de la tomate dans les ateliers des industries agroalimentaires: conserves, concentrés, jus, sauces,…
Ces 2 filières sont vraiment différentes aussi bien par les variétés produites que par les prix pratiqués et les circuits de distribution empruntés.
Par exemple, pour le marché du frais, les variétés sont adaptées à la culture sous serre, parfois hors-saison, les tomates sont résistantes au transport et au stockage en chambre froide, elles ont une bonne tenue, un bel aspect et se conservent longtemps.
Pour la transformation en dérivés de tomates, les variétés produites ont surtout une texture dure avec une peau épaisse pour supporter la récolte mécanique, le poids lors de l’entreposage et les procédés de transformation, elles ont aussi moins de jus (ce qui fait moins d’eau à évaporer pour produire les sauces et les concentrés).
Arrêtons-nous un instant sur la filière de la tomate d’industrie. Véritable marchandise faisant l’objet de nombreuses spéculations à l’échelle internationale, la tomate d’industrie est au centre de transactions pas toujours très transparentes. Techniques de production, conditions de travail, traçabilité opaque ont d’ailleurs été dénoncées dans une enquête menée par le journaliste Jean-Baptiste Malet. Dans son livre «L’Empire de l’Or Rouge», il démontre les dérives de cette industrie liée à une hyper-mondialisation.
La « Pomme d’Amour », comme on l’appelait au temps de sa découverte, aurait-elle perdu son romantisme dans le monde des affaires?
2- La tomate en France: une consommation dépendante des importations.
Le sud de la France est à l’origine de la diffusion de la tomate dans tout l’hexagone. Sa production s’étend maintenant à d’autres régions. Malgré cela, nous ne produisons pas suffisamment de tomates pour satisfaire notre demande, que ce soit pour le frais ou pour la transformation.
La France est le 6ème producteur de tomates de l’Union Européenne.
Nous produisons surtout de la tomate destinée au marché du frais pour plus de 75% de notre production. La filière de la tomate d’industrie restant marginale en France. Contrairement à l’Italie, l’Espagne et le Portugal pour qui la part de production destinée à la transformation en dérivés de tomates est très importante (60 à 80% de leur production).
La France est le 2ème importateur de tomates fraîches de l’Union Européenne. Notre production satisfait les 2/3 de notre consommation en frais, pour le reste nous dépendons des importations surtout pour assurer notre consommation hors-saison (d’octobre à avril). Nous en exportons aussi, essentiellement issues du négoce «import-export» de tomates du Maroc.
La France est le 4ème importateur mondial de dérivés de tomates.
Nous sommes loin de l’auto-suffisance puisque nous importons près de 85% de notre consommation en conserves, concentrés et sauces (venant essentiellement d’Italie et d’Espagne).
Notre demande est très forte: plus de 95% des ménages français achètent des tomates pour leur consommation à domicile. Nous consommons par an et par habitant environ 12,5kg de tomates fraîches et 18kg de tomates d’industrie (transformées en dérivés). Et je ne compte pas la consommation des tomates produites dans les potagers des jardiniers amateurs!
Les tomates bio ont aussi le vent en poupe, mais attention tout de même à la provenance et au mode de production, car on voit des tomates bio importées produites sous serres chauffées en plein hiver!
Si la tomate connaît un tel succès, c’est qu’elle a tout (ou presque) pour plaire!
3- La tomate: c’est simple, c’est beau et c’est bon!
La tomate, c’est simple et déclinable à l’infini: on ne compte plus les recettes où la tomate apparaît en vedette ou en accompagnement.
La tomate, c’est beau: formes et couleurs égayent marchés, rayons et assiettes. La variété préférée des français est la tomate ronde en grappe (42% de nos achats). Elle est belle, facile à utiliser mais elle n’a pas toujours beaucoup de goût!
La tomate, c’est bon: là, on arrive au point sensible. «Les tomates n’ont plus de goût». Qui n’a jamais fait ce constat? Il est vrai que des variétés hybrides ont été développées, privilégiant la productivité, la résistance et l’esthétisme au détriment du goût.
Dans le Catalogue Officiel des Espèces et des Variétés de Plantes Cultivées en France, sur les 525 variétés de tomate enregistrées, 367 sont hybrides, soit 70%. Sur les 158 variétés non-hybrides, 148 sont enregistrées dans une liste destinée aux jardiniers amateurs. Cette liste est présentée ainsi: «liste officielle des variétés légumières pour amateur, une richesse visuelle et patrimoniale dans nos potagers et sur nos tables». Attrayant, mais comme il est précisé plus loin que ces variétés sont «sans valeur intrinsèque pour la production commerciale,… variétés destinées principalement aux jardiniers amateurs et maraichers mettant en marché en circuit court,… variétés dont le produit de la récolte est principalement destiné à l’autoconsommation», on comprend pourquoi on retrouve rarement ces variétés anciennes dans les grands circuits de distribution. Heureusement, certaines d’entre elles comme la Marmande, la Noire de Crimée ou la tomate Ananas, sont de plus en plus présentes sur les étals.
La tomate, c’est rempli de bons nutriments: peu calorique, riche en eau, pauvre en sucres et en lipides, la tomate apporte des vitamines et des minéraux en quantité intéressante. Mais surtout, la tomate contient un anti-oxydant champion toute catégorie: le lycopène, pigment donnant la couleur rouge à la chair et à la peau de la tomate. Il doit son nom au nom scientifique de la tomate: Solanum lycopersicum.
La tomate est, avec la pastèque, l’aliment qui en contient le plus. «Rouge comme une tomate», l’expression prend tout son sens! Et oui, la plupart des tomates sont rouges, même s’il existe des tomates jaunes, oranges, noires ou même vertes. La couleur de la tomate est due essentiellement à la présence de caroténoïdes comme le lycopène (rouge) et le bêta-carotène (jaune-orangé). En fonction de la présence de gènes spécifiques, différentes nuances de couleurs pourront s’exprimer. Par exemple, les tomates jaunes ne possèdent pas de lycopène, juste un peu de bêta-carotène.
Le lycopène, c’est l’atout santé de la tomate! Il aurait un effet protecteur contre les radicaux libres et le vieillissement cellulaire, et des études scientifiques ont montré une association entre la consommation de lycopène et la prévention de certains cancers et maladies cardiovasculaires. Il aurait aussi des effets sur la peau grâce à ses propriétés photo-protectrices. Il entre d’ailleurs dans la composition de nombreuses formulations de produits solaires.
Bon à savoir: Le lycopène est mieux assimilé si la tomate est cuite ou transformée en dérivés (purée, jus, sauces). En effet, la chaleur le libère des cellules de la tomate et l’évaporation augmente sa proportion dans le produit. D’autant plus s’il est consommé avec de la matière grasse car le lycopène est liposoluble (soluble dans les graisses). Cependant, si on gagne en lycopène lors de la cuisson et de la concentration, on perd à coup sûr en vitamines et en fibres.
Donc crue ou cuite : à alterner! Et duo gagnant à privilégier: tomates – huile d’olive!
On voit que la tomate a vraiment réussi en 5 siècles à séduire notre table. C’est un légume agréable qui occupe une belle place dans nos assiettes.
Pourtant, elle n’en est pas moins critiquée: manque de goût, présence en plein hiver, production sous serres chauffées, business, abandon de variétés goûteuses,…
Comme souvent, c’est à nous consommateurs, de reprendre la main. Les variétés dites anciennes sont à (re)découvrir, les circuits courts et la production dans nos jardins sont à privilégier et rien que le respect de la saisonnalité peut déjà nous garantir une meilleure qualité. Quoi qu’il en soit, avec une consommation au sommet, la tomate peut être tranquille. Pas sûr car en ce début d’année, un virus était bien décidé à mettre fin à ce succès. A suivre…
L’histoire de la tomate confinée, fin de la 2ème partie.
La suite:
3ème partie: Un virus chez la tomate ou l’histoire du 2ème confinement. Cliquez ici.
Précédemment:
1ère partie: Un début bien difficile pour la tomate ou l’histoire du 1erconfinement. Cliquez ici.
Références:
- Données de FranceAgriMer 2017 – La tomate en 2017 – Bilan de campagne
- Données de SONITO (Interprofession de la tomate destinée à la transformation) – Campagne 2016 et 2017
- L’Empire de l’Or Rouge – Jean-Baptiste Malet – éd. Fayard, 2017
3 réponses
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[…] L’histoire de la tomate confinée, fin de la 3ème et dernière partie.Précédemment:1ère partie: Un début bien difficile pour la tomate ou l’histoire du 1erconfinement. Cliquez ici.2ème partie: La tomate en bonne place ou le légume préféré des français. Cliquez ici. […]
[…] formes de cancers ou certaines maladies cardio-vasculaires (voir, entre autres, les articles sur la tomate (2ème partie) et sur la […]